Ma commune est cette année concernée par le recensement de la population. Nos identifiants reçus dans la boîte aux lettres en notre absence, nous pouvons remplir les questionnaires sur internet. Mais la variété des sujets concernés par les questions inquiètent certains : pourquoi donnerai-je toutes ces informations sur ma vie privée ?

Sans entrer dans le débat du recoupement des données et de leur réutilisation, questionnement très lié à l’ère du numérique, faisons donc un petit point historique.

Petit rappel historique

  • XVIIe-XVIIIe siècles : on dresse çà et là quelques listes pour estimer les naissances et les décès à des fins économiques
  • 1792 : institution de l’état-civil, en remplacement des registres tenus par les paroisses
  • 1801 : 1er recensement systématique et organisé
  • 1946-1999 : toutes les communes sont recensées systématiquement tous les 6 à 9 ans
  • 2004 : le recensement devient permanent, passant d’une commune de moins de 10 000 habitants à l’autre chaque année, par 5 ans, les communes plus grandes recensant elles chaque année une partie de leur population. C’est le recensement rénové.
  • 2015 : généralisation de la possibilité de répondre au recensement sur internet

Qu’est-ce qu’on recherchait dans les premiers recensements, et donc, qu’est-ce qu’on y trouve ?

La principale information est bien entendu le nombre de personnes vivant sous un même toit. Leur âge, leur profession ou leur niveau d’étude. On cherche aussi à connaître les liens entre les habitants d’un même foyer : père, mère, fils, fille ou… domestique ! Au début du XXe siècle, on a aussi relevé le nom de l’employeur. 

Et on ajoute dans la colonne « observations » quelques informations qui ne rentrent pas ailleurs, comme une infirmité. Ainsi, on sait qu’en 1866, à Merxheim (Haut-Rhin), on trouvait des boîteux, des borgnes, des orphelins, 8 sourd-muets,…

En Alsace-Moselle, on indique même la religion jusqu’en 1962.

A quoi ça sert ?

Connaître

Tout est question de statistique.

L’organisation d’une commune dépend du nombre de ses habitants : plus il y en a, plus il faut de monde pour l’administrer et d’argent pour la gérer.

Savoir qui compose un territoire permet aussi de savoir comment on va l’équiper. Combien d’écoles faut-il ? Faut-il plutôt des structures liées à la vieillesse ? Ou alors justement faut-il absolument rééquilibrer ce territoire et y faire venir d’autres types de population ? L’accès à l’enseignement supérieur semble-t-il plus simple ici ? Et là, a-t-on plus les moyens d’avoir une chambre individuelle pour chacun ? Où travaillent les habitants d’un territoire ? Y a-t-il besoin de plus de moyens de transports ?

Savoir

Dans un second temps les recensements sont une mine d’informations pour les historiens et les généalogistes. On y retrouve les habitants d’un village, nominativement, mais aussi la composition de leur famille, leur métier, leur adresse ! On en tire des observations : quelles étaient les catégories socio-professionnelles d’un village, combien de personnes vivaient sous le même toit,…

Attention cependant, ce ne sera plus le cas pour les chercheurs du futurs : les listes nominatives ont été supprimées à partir du recensement de 1982 afin de protéger les données personnelles.

A noter qu’en Alsace-Moselle, on dispose d’un outil de plus : le fichier domiciliaire.

Extrait d'une page du recensement de 1841 de la commune de Westhoffen

Où vont mes données ?

Depuis 1946, les recensements sont gérés par l’INSEE, en lien avec les communes. Pourtant, celles-ci ne conservent pas les données produites, qui sont directement transmises à l’INSEE. La CNIL* et le RGPD** veillent à la confidentialité des informations recueillies. Les données nominatives ne sont pas conservées sur les bases de données informatiques après la campagne de collecte et le traitement des données recueillies. Elles ne sont pas non plus transmises aux autres administrations.

Les questionnaires papiers sont conservés dans les bureaux de l’INSEE le temps de la campagne puis versés aux Archives départementales qui ont en charge la collecte des documents produits par les administrations d’État en région. Un échantillon est sélectionné pour être conservé définitivement à des fins historiques, le reste est détruit.

Ce n’est que 75 ans après que les documents pourront être consultées librement, au même titre que les registres de naissance et de mariage.

Les questionnaires de l’année 1999 ont, eux, été intégralement numérisés et seront conservés sous cette forme par les Archives nationales. Tous les détails sont à retrouver dans une circulaire de 2009. 

* Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

En conclusion

Entre collecte, traitement statistique et protection des données, les étapes de collecte et les entités publiques concernées sont nombreuses, et les bénéficiaires tout autant. Les besoins de la population allant en grandissant, les informations à recueillir doivent couvrir des domaines assez vastes pour rendre de compte le plus fidèlement possible des typologies de modes de vie.

Il pourrait par ailleurs être bon de rappeler que ces informations sont souvent distillées ailleurs, par leurs propriétaires eux-mêmes, dans des bases de données peut-être bien moins contrôlées par la loi…

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